Un peu d'histoire…
Construite après la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat, l'église Saint-Gabriel est placée sous le régime du bail emphytéotique, de ce fait elle ne bénéficie pas de subventions ni des collectivités locales ni de l'Etat. Idem pour l'orgue considéré comme un instrument privé. Cette situation qui peut sembler contraignante présente un avantage considérable : la paroisse est totalement libre de ses choix.
Durant la seconde moitié des années 1970, la paroisse Saint-Gabriel commençait à songer à se doter d'un nouvel orgue.
Un jeune organier, Alcouffe, se proposa pour construire l'instrument. Pour différentes raisons, il ne put mener son projet à terme. Les facteurs Laurent et Chrétien Steinmetz acceptèrent de reprendre le chantier, en lui conférant l'esthétique alsacienne typique des années 1970-1980, illustrée par le célèbre facteur Schwenkedel, chez qui les Steinmetz avaient travaillé. Vu les moyens financiers limités, l'instrument fut construit à l'économie, malgré les efforts des facteurs qui réutilisèrent une partie - tuyauterie, entre autres éléments - de l'orgue précédent déjà situé au sol au fond de l'église, emplacement qu'il occupe heureusement encore aujourd'hui.
Cet instrument était à l'origine un Cavaillé-Coll - tardif - de salon qui aurait appartenu à Marcel Dupré, et sur lequel d'autres éléments, de qualité inégale et de provenances variées, avaient été ajoutés.
L'orgue a ainsi vaillamment rendu service pour la vie liturgique, pendant plus de vingt années. Cependant, les organistes faisaient état de problèmes de plus en plus fréquents qu'ils réussissaient néanmoins à dissimuler le plus souvent : de ce fait, nombre de paroissiens n'en soupçonnèrent même pas l'existence.
Plusieurs raisons à ces dysfonctionnements : la qualité d'origine déjà évoquée, le manque d'entretien régulier, et l'usure normale des pièces les plus fragiles. Ces dernières années, plusieurs pannes ont laissé entrevoir le pire et une restauration - voire une véritable rénovation - devenait urgente.
L'association
Sous la houlette de nos curés successifs, Michel Cerles, Paul Salaün et Roger Tanguy, le projet a pris forme progressivement.
L' association a été fondée en 2001, les premiers membres en étant ceux qui depuis des années, avaient réfléchi sur l'avenir de l'instrument en imaginant plusieurs possibilités :
réparations au coup par coup
projet de transfert - voire d'orgue neuf - dans le cadre d'une réfection entière du choeur de l'église
enfin, plan plus réaliste, de travaux en profondeur sur l'orgue existant associés à quelques aménagements et innovations nécessaires
Comme en 1979, la question du coût et du financement des travaux demeurait en effet centrale.
Le devis est élevé dans ce domaine, l'essentiel reposant sur une main d'oeuvre très spécialisée et qualifiée en artisanat d'art. Nous avons ainsi choisi le facteur Klais, de Bonn (Allemagne) qui offrait le meilleur rapport qualité/prix. Le choix des travaux à entreprendre a été très étroitement "calibré" et surveillé par les organistes de la paroisse - épaulés par les conseils de Jean-Louis Coignet, technicien et expert en orgues de la Ville de Paris - en tenant compte des besoins et des moyens de la paroisse, ainsi que de la valeur initiale de l'instrument. Quant au financement, pour les raisons énoncées précédemment, la paroisse et l'association ont fait appel à la générosité de tous.
Les travaux
Ils se subdivisent en deux postes :
Réparations
Améliorations et innovations
Réparations (appelées aussi relevage)
Après le nettoyage des 1784 tuyaux - plus de vingt ans d'empoussiérage parisien ! - toutes les pièces usées (peaux, cuirs, feutres), abîmées et défectueuses (bois fissuré, porte-vent et postages) ont été remplacées, la mécanique, les claviers et le pédalier ont été révisés ainsi que le vent (alimentation et distribution) et son étanchéité, de même que le changement de systèmes inopérants (ré-enchappage des sommiers, tirage de jeux par exemple).
Améliorations et innovations
Des aménagements sonores ont été entrepris par échange/déplacement ou addition de nouveaux timbres. Il fut également décidé d'installer un combinateur électronique, nécessitant évidemment l'électrification du tirage de jeux - mais évitant de ce fait la reconstruction totale de ladite mécanique de tirage originale, à télescopes. Enfin, l'instrument fut égalisé puis réharmonisé. Un accord général clotûra le chantier.
Cette opération a nécessité plus de 1500 heures de travail, en atelier et sur place, pour trois personnes en permanence. L'essentiel du travail est réalisé à l'intérieur de la complexe et délicate machinerie qu'est un orgue, comparable seulement dans le cadre d'une église, à celle d'une horloge astronomique, par exemple.
Le résultat est là : souplesse d'utilisation, puissance restituée, sons nouveaux et plus chatoyants. Même si l'apparence visuelle a peu changé - à l'exception des tuyaux de façade nettoyés - l'écoute permet de faire immédiatement la différence. Pour que cette rénovation tant attendue tienne ses promesses pour de longues années, il faut bien entendu, entretenir régulièrement l'instrument, ce à quoi la paroisse s'est engagée.
Et maintenant…
L'orgue de Saint-Gabriel ainsi rénové assure une mission non seulement liturgique mais est aussi devenu un élément culturel de la vie du quartier et de la ville, par la renaissance de concerts et d'auditions.
Un CD, dont vous pouvez découvrir des extraits , vient d'être enregistré.
Rémi Dropsy
Président de l'Association